En aveugle
EAN13
9782374913384
Éditeur
Quidam
Date de publication
Collection
QUIDAM
Langue
français
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En aveugle

Quidam

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Tout premier roman de Eugene Marten, En aveugle suit parfaitement le sillage
d’Ordure dans sa façon de brosser un monde dont la noirceur colle au plus près
du réel américain contemporain, tout en offrant un regard légèrement
différent. En aveugle est en effet un roman à la première personne,
contrairement à Ordure. Il donne à entendre la voix d’un personnage au passé
trouble, dont les contours et la teneur se préciseront au fil du livre.
Fraîchement sorti de prison, le narrateur anonyme revient sur les lieux de son
passé en quête d’une deuxième chance, dans une ville américaine qui n’est pas
nommée et qui se veut tout aussi aliénante que la ville décrite dans Ordure.
Sans rien en poche, ni argent ni expérience, le narrateur va tâcher de
reconstruire progressivement sa vie. Pour ce faire, il trouve une chambre dans
un quartier mal famé et un immeuble au bord de l’insalubrité – c’est tout ce
que la ville a à lui offrir à ce stade. Sans permis de conduire, il parvient à
se faire embaucher par un serrurier d’origine syrienne qui va le prendre sous
son aile pour lui apprendre les ficelles du métier. Mais la violence latente
de la ville aura raison d’Ibrahim, qui se fera assassiner pour avoir refusé de
baisser le prix d’une prestation de dépannage. Le narrateur va ainsi devoir
survivre à Ibrahim dans un milieu hostile et une ville qu’il reconnaît très
mal après toutes ces années passées en prison pour avoir causé la mort de son
fils dans un accident de voiture, alors qu’il conduisait sous l’emprise de
l’alcool. C’est aussi avec ce passé et ces souvenirs douloureux, jamais
véritablement explicités, toujours abordés de manière pudique, que le
personnage doit composer, d’autant que son épouse, finira-t-on par deviner, a
survécu à l’accident, depuis lequel elle demeure plongée dans le coma à
l’hôpital de la ville. Le narrateur ne résistera pas à la tentation de lui
rendre visite, même si ses intentions demeureront floues jusqu’à la fin. Le
roman se passe dans le milieu de la serrurerie : sa langue est d’une précision
redoutable et mêle le jargon technique à la vivacité et l’immédiateté de la
langue contemporaine. Il dessine le portrait d’un personnage en
reconstruction, aux prises avec le sort, les remords, la frustration, et très
vite la métaphore de la clé et de la serrure revêt une importance capitale
dans le roman : le narrateur est un homme confronté à autant de portes closes
qu’il tentera – littéralement comme symboliquement – de crocheter et de
déverrouiller, les unes après les autres, sans jamais savoir ce qu’elles
peuvent dissimuler. En aveugle peut se lire de multiples façons : roman
social, roman existentiel aux allures de polar, il ausculte la violence
inhérente à la société américaine, sans affèterie ni aucun plaidoyer. C’est
avant tout un texte d’une richesse et d’une force imparables, qui joue sur le
non-dit et une forme de minimalisme froid ayant d’emblée séduit Gordon Lish,
qui s’est très tôt fait le défenseur de Marten auprès de la presse et du monde
éditorial américains. Pour l’écrivain Brian Evenson, Marten, dans En aveugle,
réussit le tour de force de faire avec l’univers de la serrurerie ce que
Melville avait réussi avec la chasse à la baleine. Né en 1959, Eugene MARTEN
est l’auteur de cinq romans à ce jour : In the Blind (2003, En aveugle, Quidam
2023), Waste (2008, Ordure, Quidam 2021), Firework (2010), Layman’s Report
(2013) et Pure Life (2022). Remarqué par le célèbre éditeur américain Gordon
Lish, Marten a reçu le soutien d’auteurs comme Sam Lipsyte, Brian Evenson, ou
encore Blake Butler, qui tous parmi d’autres vantent l’économie et la
précision de son écriture. Loin des tendances maximalistes qui ont fait les
beaux jours de la littérature américaine contemporaine (de Thomas Pynchon à
D.F. Wallace, par exemple), l’œuvre de Marten joue sur l’ellipse, l’implicite,
le non-dit pour décrire une Amérique peu reluisante, se complaisant dans sa
propre médiocrité. De texte en texte, Marten ausculte la part sombre et
occultée du rêve américain, auquel ses personnages aimeraient prétendre sans
jamais y parvenir.
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