« Caverne est une chanson personnelle. Un chant intime.
De tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, pour moi, le plus important, ma priorité, c’est ma poésie. Le travail sur la langue. cette quête de sens, de quintessence. D’un langage qui tient autrement au réel. Il faut écrire de la poésie, écrire vraiment sans se demander pourquoi, parce que c’est comme ça, il n’y a rien à expliquer, rien à comprendre. Pourquoi pas ?
Toute littérature est tentative de se maintenir en équilibre. Caverne s’inscrit dans une démarche formelle visant à nourrir, perpétuer cette quête, dans le courant d’une parole libre, douce-amère, qui se déploie à la manière d’une chanson, d’un geste, histoire de prendre corps, s’arracher de ce corps, se renouveler au-delà de son orbite. Un écho à travers lequel coïncident les miroitements de la langue, de l’existence et ses in? nies expansions. Mais par-dessus tout, Caverne est une descente dans mes cavernes, mes zones existentielles les plus reculées, une exploration de l’intime.
J’ai vu tant de cadavres dans ma vie, autant que des vivants je crois. Et ceci, dès ma plus petite enfance dans ce quartier violent à Martissant où j’ai grandi avec ma mère. Des cadavres d’amis, d’inconnus, de femmes, d’hommes et d’enfants. Des gens que je n’ai pas eu le temps d’aimer, de connaître, avec qui j’ai pas eu le temps de discuter. Et d’autres cadavres internationaux qui ont vécu loin de mon quartier, loin de mon enfance. Je ne sais pas, je suis ravagé par l’idée que j’appartiens à leur monde, que je suis moi-même un cadavre en quête d’une vie, une certaine place dans le monde des vivants, que je suis aussi mort que les morts de mon quartier. Ce poème est une manière de dire que je pense à eux, que je regrette qu’ils soient partis si tôt, avant d’avoir vécu, aimé. S’il faut coucher avec les morts avant de trouver un vers, la poésie sert à ça aussi: à donner vie aux morts.
Comme Caverne, Cadavres est un poème intime, un retour sur les lieux de l’enfance, de l’intérieur. »
Makenzy Orcel