Des graines germeront sur leurs pas

Pas de ponctuation dans ce livre étonnant, au cœur battant de colère légitime. Portraits de femmes envahies par la tristesse, la difficulté d’être elles-mêmes, mais aussi par l’amour, la joie, le désir sur les chemins de la vie et du respect. Quadruple approche pour les saisir à un moment essentiel de leur existence : dire, écrire, photographier, mettre à jour et au jour, pour suggérer la réalité faite aux femmes d’aujourd’hui. Opération délicate, toute en nuances, en tant que poète-femme et femme-photographe. Il faut avoir au cœur et à l’esprit le titre même du recueil : “Des graines germeront sur leurs pas” pour en saisir les sens multiples. Car à la lisière de l’écriture, aux confins du doute, j’imagine la poète Magda Igyarto se poser la légitimité de cette approche : elle tient du reportage, du chemin en poésie, du courage de dénoncer l’insoutenable, mais aussi de l’offrande d’amour. Magda est poète et son style, par ses mots qui nous percutent ou nous tendent des mains de tendresse, emprunte un sentier particulièrement sensible aux vents contraires du vécu et des combats au féminin. De “Femme calice/vase rempli d’eau fraîche/huche de pain fraîchement cuit/fil d’ Ariane le long des âges de l’enfance” à “Elle respire l’horizon inconnu dans la purulence de l’angoisse/chassée du nid qui l’a vue naître / elle s’est laissée aimer/porte le fruit de cet amour sans fiançailles/honte qui la bannit”, voici un exemple concret du concentré de l’alliage des images et des thèmes soulignés et abordés dans ce fort et subtil livre. Les citations choisies ne sont pas présentées de cette manière classique, mais la poète a préféré un éclatement du texte, symbole de l’éclatement intérieur que vivent ces femmes. Les espaces blancs - silences indispensables - pour atténuer le choc des mots, c’est là la ponctuation-respiration de ces textes comme des sentiers qui permettent à nos regards de s’immiscer dans les émotions positives ou négatives, toujours puissantes, de ces femmes-étoiles, trop souvent privées d’estime et d’amour véritables. Et comme pour contenir l’émotion qui porte le poème, Magda Igyarto impose à son texte au niveau typographique un cadre strict et régulier. Les photographies de Sonia Ciafardini “e s s e”, invitent à une autre vision, volontairement tendue , le plus souvent, vers le parti-pris de la beauté et de la joie de vivre, l’autre fenêtre dévoilée d’une résonance entre ces deux regards, ces deux modes d’expression, ces deux ressentis. Ce livre au fond est incandescent. La richesse des mots et des images et celle des photographies collaborent pour transcender, rehausser leur message, ce qui dans le cœur et l’esprit des deux auteures souligne leur désir d’un monde d’amour et de respect, d’harmonie du féminin et du masculin en chacun de nous...Extrait de la préface de Luc Vidal