En décembre 1943, l’écrivain Raymond Guérin (1905-1955) est libéré du stalag où il vient de passer plus de trois ans. De retour à Paris, il découvre la France de l’Occupation, bien différente de celle qu’il avait laissée en 1940. « La sottise bat son plein », écrit-il dans son journal, en constatant que la vie culturelle continue comme si de rien n’était et combien les Parisiens se sont habitués à l’occupant et au marché noir.
Piloté par Jean Paulhan ou Gaston Gallimard, il reprend contact avec le petit monde littéraire. Il rend visite à Camus, Sartre, Queneau, Chardonne, à son compagnon de détention Henri Cartier-Bresson. Mais à son ami Henri Calet, il écrit : « Je me fais l’effet d’un revenant, d’un fantôme. Je n’ai plus ma place dans ce monde étouffant et fascisé. » Épuisé, écœuré, Guérin rentre chez lui, dans le Sud-Ouest.
Quelques mois plus tard, c’est avec un enthousiasme ému qu’il commente la Libération de la France. Mais l’euphorie des premiers jours ne dure pas. Dans des pages décapantes, il commente la veulerie des procès d’épuration auxquels il assiste.