La libération de la France - La joie douloureuse

Une parution coïncidant avec les commémorations du 80e anniversaire de la Libération, qui fait le point sur les nombreux mythes liés à cette période charnière.
La Libération de la France, 80 ans après
Pendant une trentaine d'années, une légende dorée a mythifié la Libération de la France, apogée de la Résistance héroïque d'un peuple unifié derrière le général de Gaulle. Au cours des trente années suivantes, le rose a viré au noir : la Libération n'était plus qu'un théâtre d'ombres. Au cliché de l'" union sacrée " succède celui de la " guerre civile ", l'emphase patriotique ne masquant que des appétits de pouvoir. Philippe Buton fait le point sur cette période complexe, pendant laquelle se sont fixés nombre des traits qui ont conditionné, depuis, notre histoire. En 1944, deux France que tout oppose coexistent. D'un côté, celle qui a connu les maquis, les combats, les massacres, les cours martiales, les condamnations à mort par l'adversaire politique, et qui est persuadée de s'être libérée seule. De l'autre, celle pour qui la mort provenait du ciel, la liberté s'incarnant avant tout dans la figure nonchalante des GI's. Cette double France est un pays malade, dont le tissu social s'est déjà déchiré lors des années d'avant-guerre. La défaite et l'Occupation ont porté au paroxysme cette crise identitaire. Grâce aux mythes complémentaires de l'insurrection nationale – également servi et instrumentalisé par les gaullistes et les communistes – et de la " poignée de traîtres " ou de " femmes pécheresses ", la Libération représente une tentative de résoudre cette double crise identitaire, en partie par des faux-semblants : l'identification à la Résistance et la vision de la souffrance endurée et de la dignité conservée.